À la découverte de l’Ara de Spix, le perroquet disparu devenu légende
La découverte de l’Ara de Spix
L’Ara de Spix (Cyanopsitta spixii), surnommé l’Ara bleu de Spix, est l’un des perroquets les plus rares et fascinants au monde. Son plumage bleu azur éclatant et son nom rendent hommage au naturaliste allemand Johann Baptist von Spix, qui le découvrit au début du XIXᵉ siècle.

Figure 1Naturaliste Allemand Johann Baptist von Spix
En 1819, lors d’une expédition scientifique dans le nord-est du Brésil, Spix explore la Caatinga, un écosystème semi-aride unique. C’est là qu’il observe pour la première fois ce magnifique perroquet bleu, nichant dans les cavités des arbres de caraïba (Tabebuia caraiba). Il en rapporte un spécimen en Europe, permettant aux scientifiques de l’étudier et de le décrire officiellement en 1824 sous le nom Cyanopsitta spixii.

Figure 2 premiere illustration de l’ara de spix
L’extinction de l’Ara de Spix dans la nature
La population d’Aras de Spix a décliné rapidement au XXᵉ siècle, jusqu’à disparaître complètement de son milieu naturel. La destruction des forêts sèches de la Caatinga pour l’agriculture, l’élevage et la production de charbon a réduit drastiquement les arbres où l’oiseau nichait. Le commerce illégal d’animaux exotiques a encore aggravé la situation, vidant les dernières zones de survie.
Le manque de partenaires pour la reproduction et la faible diversité génétique ont condamné les derniers individus. Le dernier Ara de Spix connu vivant à l’état sauvage fut observé en 2000 dans la région de Curaçá, au nord-est du Brésil. À cette époque, seuls 37 oiseaux étaient détenus par des collectionneurs privés, inspirant partiellement les antagonistes du film Rio. Après la disparition du dernier mâle sauvage, l’espèce ne subsistait plus qu’en captivité. Grâce à des programmes de reproduction et de réintroduction, notamment au Brésil et par plusieurs ONG, l’Ara de Spix fait son retour dans la nature à partir de 2022.

Figure 3 Déforestation de la Caatinga
L’alliance internationale pour la sauvegarde
À partir des années 2000, un effort de coopération internationale s’est mis en place. Les Aras de Spix survivants ont été regroupés entre trois détenteurs officiels :
- Al Wabra Wildlife Preservation (AWWP), Qatar, avec 64 individus en 2010,
- Association for the Conservation of Threatened Parrots (ACTP), Berlin, 8 individus,
- Gouvernement brésilien via l’ICMBio.

Figure 4 Sheikh Saoud Bin Mohammed Bin Ali Al-Thani avec 2 ara de Spix
Ces institutions collaborent avec la Fondation Loro Parque (Espagne), la Fondation Lymington, le centre Nest (Brésil), le Jurong Bird Park (Singapour) et Pairi Daiza (Belgique) pour la reproduction, la recherche scientifique et la sensibilisation du public.

Figure 5 Centre d’élevage de l’ara de Spix à Pairi Daiza
Année | Nombre estimé d’adultes (captifs) | Nombre de poussins (nés en captivité) |
2000 | ≈ 60 (dont ~54 élevés en captivité) | — |
2001-2010 | ≈ 70-80 (croissance lente) | — |
2011 | ≈ 85 | — |
2012 | ≈ 100 | 5 poussins |
2013 | ≈ 95-100 | 7 poussins |
2014-2019 | ≈ 120-150 (selon les années) | ≈ 20-30/an (moyenne) |
2020 | ≈ 180 (52 transférés au Brésil) | ≈ 30-40 |
2021 | ≈ 200+ | 61 poussins |
2022 | ≈ 220 | ≈ 40 |
2023 | ≈ 250 (inclut oiseaux relâchés) | ≈ 35-40 |
2024 | ≈ 250+ | ≈ 38 (moyenne) |
La réintroduction de l’Ara de Spix : un retour progressif vers la liberté
Après plus de vingt ans d’efforts, l’Ara de Spix, autrefois éteint à l’état sauvage, fait son retour dans le ciel du Brésil. Le projet repose sur une collaboration internationale entre l’ACTP, le Pairi Daiza Foundation et le gouvernement brésilien.
La réintroduction utilise la méthode du Soft Release : une libération progressive permettant aux oiseaux de s’adapter graduellement à la vie sauvage tout en recevant soutien alimentaire et protection. Cette méthode compense l’absence de congénères sauvages pour transmettre les comportements vitaux : vol, recherche de nourriture, reconnaissance des prédateurs et vie sociale.

Figure 7 Volière de réintroduction au brésil

Figure 6 Premier ara de Spix né sur le territoire brésilien depuis plus de 20 ans
Avant le lâcher, les oiseaux suivent un protocole rigoureux : entraînement alimentaire, préparation au vol, apprentissage social, reconnaissance des prédateurs et habituation au milieu naturel. Seuls les individus totalement autonomes, capables de se nourrir, de voler et d’interagir socialement, sont relâchés. Pour apprendre aux aras de Spix à se comporter comme de vrais aras dans leur milieu naturel, des aras Maracana (Primolius maracana) sauvages ont été placés dans leur volière de réintroduction.
La première réintroduction officielle a coïncidé avec le 200ᵉ anniversaire de la découverte de l’espèce par Spix. Depuis, plusieurs Aras de Spix volent à nouveau dans les forêts sèches du Brésil.

Figure 8 Check up médicale d’un ara de Spix
De la captivité à la liberté : les premiers succès
En 2022, 20 Aras de Spix ont été relâchés dans la région de Curaçá. Grâce à la méthode soft release, ils ont appris à survivre seuls dans la nature. Environ la moitié a survécu à la première année, et plusieurs couples se sont formés, donnant naissance à des poussins dès 2023. En mars 2024, trois poussins sont nés à l’état sauvage, un événement historique salué par la communauté scientifique.

Figure 9 Premiers pas dans la nature de l’ara de Spix depuis son extinction à l’état sauvage.
Aujourd’hui, la population mondiale comprend environ 331 individus :
- 214 à l’ACTP, Allemagne,
- 58 au centre de réintroduction brésilien,
- 31 à Fazenda Cachoeira, Brésil,
- 28 à Pairi Daiza, Belgique.
Depuis 2022, plus de 50 Aras ont été transférés d’Europe pour renforcer la population destinée à la réintroduction.

Figure 10 groupe de Ara de Spix’ à l’ACTP
Des défis encore présents
Malgré ces succès, la survie reste fragile. Certains oiseaux relâchés ont été victimes de prédateurs ou ont disparu. La présence du circovirus menace la population, tandis que l’ICMBio et l’ACTP doivent maintenir une diversité génétique suffisante. La coopération entre ces institutions connaît parfois des tensions, mais l’objectif reste le même : assurer la survie de l’espèce dans la nature.

Figure 11 Cadavre d’ara de Spix aprés l’attaque d’un prédateur
Situation sanitaire récente des Aras de Spix
À l’été 2025, un circovirus a été détecté à Curaçá, touchant 14 oiseaux dont un poussin né à l’état sauvage. Les réintroductions ont été temporairement suspendues, avec mise en place de protocoles stricts de surveillance et de confinement. L’ACTP coopère avec les autorités brésiliennes pour limiter la propagation et renforcer la biosécurité dans les centres d’élevage et les volières de pré-lâcher.

Figure 12 Ara de Spix née en milieux naturel avec des signes de Circovirus
Un miracle à Pairi Daiza : première naissance au parc
Le 25 septembre 2025, le parc Pairi Daiza a annoncé la naissance du premier poussin d’Ara de Spix sur place, après de nombreux échecs. L’œuf numéro 101 a finalement donné vie à un oisillon sain, symbolisant un espoir pour la conservation et la réintroduction future de l’espèce.

Figure 13 Premier Ara de Spix née à Pairi Daiza


Leçons pour l’élevage éthique et la conservation
L’histoire de l’Ara de Spix montre l’importance d’un élevage responsable et éthique. Les éleveurs amateurs peuvent contribuer à la conservation en favorisant la santé, le comportement et la socialisation des oiseaux, préparant ainsi certains individus à d’éventuels programmes de réintroduction. L’espèce rappelle que l’élevage des psittacidés doit dépasser la passion ou la collection : il peut devenir un outil pour restaurer la biodiversité et redonner à la nature ce que l’homme a fragilisé.

Article réaliser par Banckaert D ( Vice-président ABAP)
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