La callopsitte à joues jaunes

P.R. février 2018
Texte et photos : Bert Van Gils
Traduction : William Vanbeginne

Un compte rendu de dix ans d’expérience d’élevage

Introduction
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai commencé le hobby très jeune avec un couple de perruches ondulées et ensuite des perruches callopsittes dans une volière d’agrément. En 2006 j’ai décidé de ne garder plus que des callopsittes et surtout de m’intéresser à une seule mutation : la joue jaune. En plus de cela, depuis 2008 j’étais actif dans le groupe de travail des callopsittes, il s’agit d’un groupe de travail qui a pris forme après un rassemblement d’éleveurs et de juges pour rédiger un standard rénové des callopsittes et ceci en 2006. Depuis lors je n’ai élevé que des callopsittes et je me suis uniquement intéressé à cette mutation ceci à petite échelle car j’ai travaillé avec 3 couples jusqu’à maximum 6 couples. Chaque année, les résultats ont été sauvés en Excel et grâce à cela j’ai obtenu quelques chiffres pour cet article.

Femelle joues jaunes (PE 2016)

Logement et nourriture
Mes callopsittes sont logées par couples dans des volières de 3,5 m de long sur 1,25 m de large et 2,10 m de haut. Les volières sont construites de manière standard c.à.d. en cadres en bois dur avec au-dessus des panneaux de treillis. Ces volières sont couvertes pour la plus grande partie mais pas totalement de telle manière que les oiseaux puissent profiter de la pluie s’ils le désirent. Il n’y a pas d’abri de nuit de prévu car ils n’étaient jamais employés par les callopsittes dans mes volières précédentes. Pendant les mois d’hiver, il y a une protection supplémentaire avec des panneaux en plastic ondulé qui couvrent 90% des volières.
L’alimentation est composée d’un mélange de base de graines pour grandes perruches sans graines de tournesol. Ces dernières je les rajoute séparément de telle manière que je peux les doser. La ration normale est peut-être de 5 % au début, lorsque la saison de reproduction commence, un peu plus et autant qu’ils veulent lorsque les jeunes ont entre 0 et 3 semaines. Ensuite lentement il faut à nouveau réduire la quantité. Je suis le même rythme avec la pâtée à l’œuf où je rajoute un peu de graines pour les oiseaux sauvages chanteurs. A côté de cela je donne bien entendu de l’eau fraîche, du grit et de l’os de sèche. Des suppléments comme des vitamines et du calcium sont des choses que je ne donne pas. Malgré différentes tentatives, la plupart des sortes de fruits et légumes ne sont pas pris par mes callopsittes. Du mouron, du pissenlit, des herbes dans leur épi ou un morceau de noix de Grenoble par contre les intéressent. Ils deviennent totalement heureux lorsqu’on leur donne des branches fraiches de saule, noisetier, bouleau, frêne …en résumé, presque tous nos arbres endémiques à l’exception de l’if.

Une mutation de couleur unique
Revenons à notre mutation joue jaune. Celle-ci a vu le jour au début des années 1990 en Allemagne (Martin & Andersen 2007) et est, en opposition aux autres mutations de la callopsitte, restée assez rare jusqu’à aujourd’hui.

Il s’agit d’une mutation de couleur unique dans le sens où elle n’existe que chez la callopsitte. Il faut dire aussi qu’il n’y a que très peu d’espèces de becs crochus avec une tache à la joue bien nette et de plus qui est colorée de rouge psittacine. Ceci est justement ce que la mutation joue jaune fait : elle enlève le rouge psittacine de la tache de la joue. Le mécanisme comment cela se passe n’est pas encore connu. D’ailleurs il y a encore beaucoup de choses qui ne sont pas connues concernant la fabrication et la répartition des psittacines dans le plumage. De quelques-unes les caractéristiques chimiques sont plus ou moins connues, ce qui fait que l’on peut être sûr que les psittacines ne contiennent pas une mais un groupe de colorants jaunes et rouges (Van den Abeele, 2013 ; Mc Graw & Nogare, 2005)

Lors de l’achat de callopsittes à joues jaunes, faites très attention à l’origine. Il y a, à savoir, une mutation – le masque pâle – qui y ressemble très fort et malheureusement il y a régulièrement des erreurs qui sont faites. Le masque pâle transmet ses gènes de manière auto somale récessive et le joue jaune lié au sexe récessif. En apparence, il n’y a pas tellement de différence excepté que les mâles adultes à joues jaunes ont plus de jaune dans le masque en comparaison avec un mâle adulte masque pâle masque blanc.

Mâle joues jaunes (PE 2013)

L’élevage
La saison de reproduction, chez moi, a lieu d’avril à septembre, environ un mois plus tard que chez la plupart des éleveurs de perruches qui élèvent dehors. Je fais cela parce que la longueur des jours et surtout la température est plus favorable. Chaque année j’essaie que chaque couple élève deux nichées donc que j’aie les poussins de deux nichées à perche.

Les callopsittes n’ont pas besoin de beaucoup pour commencer à se reproduire. Une fois que j’ai accroché les nids, les couples expérimentés ont leur premier œuf dans les 10 jours.
Les mâles et les femelles couvent en alternance, le mâle en règle générale le jour et la femelle la nuit.
A partir du moment où ils couvent bien cela prend 18 à 19 jours pour les premières éclosions. A l’âge de plus ou moins 28 à 33 jours les jeunes quittent le nid et sont ensuite encore nourris quelques semaines par les parents

Les accouplements que je fais sont surtout des mâles porteurs de joues jaunes avec des femelles joues jaunes. De cet accouplement vous pouvez aussi élever des mâles joues jaunes, qui n’est pas toujours possible avec une mutation liée au sexe.
Ceci est uniquement possible par l’accouplement mâle porteur joues jaunes x femelle joues jaunes ou mâle joues jaunes x femelle joues jaunes.
Je fais aussi mâle joues jaunes x femelle pas joues jaunes (par exemple couleur sauvage ou lutino), un accouplement ou j’élève uniquement des femelles joues jaunes.

En partant de mes livres d’élevages annuels (fichiers Excel) j’ai fait un relevé des résultats de reproductions des 10 dernières années. Dans ce laps de temps, j’ai élevé au total 147 callopsittes avec une moyenne de 4 couples par an. De ceux-ci il y avait une moyenne de 3 couples dont pouvait naitre des joues jaunes. Au total il y a eu 18 mâles joues jaunes, 30 mâles porteurs et 28 femelles à perche. Ceux-ci sont maintenant chez des éleveurs du monde entier.

Ce que j’ai pu déduire des résultats de reproductions que j’ai gardé, c’est que le second tour, chez beaucoup de couples, se passait mieux que le premier tour. Je n’ai pas vraiment d’explications pour cela, des idées sont toujours bienvenues !

Table : Récapitulatif des résultats de reproductions des 10 dernières années

Voyez aussi l’année catastrophique 2009 de cette table. Celle année-là seuls 2 poussins sont nés, pendant une canicule. Ils ont été couvés par mère nature plutôt que par leur maman joues jaunes. Ainsi on arrive au prochain thème …

Mâle couleur sauvage porteur joues jaunes,
Un patriarche en ma possession


Le problème de la callopsitte à joues jaunes
Ce qui rend, malheureusement, cette mutation joues jaunes aussi unique ce sont les mauvaises caractéristiques de reproduction. Les callopsittes sont en règle générale connues pour leur forte impulsion de reproduction, ce qui les rend des oiseaux excellents pour les débutants. Ce n’est pas le cas chez les joues jaunes et cela m’a déjà été certifié lors de l’achat des premiers oiseaux de cette mutation. A ce moment-là j’ai cru bon ce qui me semblait mais 10 ans plus tard je peux le confirmer totalement. Le pourcentage des œufs fécondés est peut-être un peu plus faible, le nourrissage des petits va en règle générale aussi convenablement mais le problème se situe entre les deux : la couvaison des œufs. Du fait que
les callopsittes mâle et femelle vont alterner la couvaison des œufs, vous êtes déjà dans les problèmes si déjà un des oiseaux adultes est déjà un mutant joues jaunes. Il existe pourtant des couples de mâle joues jaunes avec une femelle non joues jaunes, où la femelle s’occupe totalement de la couvaison lorsque le mâle aimé ne satisfait pas ses obligations. Le sens inverse par contre je n’ai jamais entendu.

Femelle opaline-cinnamon joues jaunes bronze fallow (PE 2016)

La solution ?
Après une saison de reproduction 2009 fort décevante, j’ai décidé d’acquérir une couveuse. Je préfère ne pas faire de l’élevage à la main donc je travaille de la manière suivante : J’enlève une partie des œufs de chaque couple de joues jaunes et je les remplace par de faux œufs. Au moment où ils doivent éclore je replace les œufs ou les jeunes qui viennent de naitre dans le nid. Ceci fonctionne miraculeusement bien, les parents élèvent encore ainsi leurs propres jeunes. Les œufs qu’ils couvent eux même n’éclosent pas à plus de 90% des cas (certainement lorsque la femelle est une joues jaunes).

Le type de couveuse que j’emploie pour cela est une Rcom20. J’ai encore toujours la même couveuse que j’ai achetée fin 2009, en occasion, à un éleveur de cailles. La température de couvaison est de 37,3°C et le taux d’humidité varie de jour en jour entre 40 et 50%. L’éclosion commence généralement le 17ème jour et alors je change la température à 37°C et le taux d’humidité de 55 à 60%. Comme je trouve que le système de retournement automatique des œufs n’est pas bon, les œufs sont tournés manuellement (avec une pression sur un bouton) et ceci 3 à 5 fois par jour. Toujours un nombre de fois impair par jour sinon chaque nuit ils se retrouvent à la même position.

Une alternative est de glisser les œufs sous un couple de parents adoptifs. La vraie solution est naturellement dans la sélection de joues jaune qui ont de bonnes caractéristiques de reproduction. Chaque année je donne la possibilité à tous les couples. Ceci semble cependant être un travail de longue haleine. Entre temps il faut naturellement que des joues jaunes continuent à être élevées sinon la mutation va disparaitre.

Mâle panaché joues jaune (PE 2011)

Combinaisons avec joues jaunes
La mutation joues jaunes est une mutation avec (seulement) un effet sur la psittacine rouge dans l’oiseau. Pour une reconnaissance univoque de la mutation il ne faut donc pas la mélanger de préférence avec les autres mutations psittacines : masque blanc et masque pâle. La combinaison avec une mutation eumélanine est possible par exemple lutino, cinnamon, bronze fallow, gezoomd dominant … l’opaline est aussi possible. Cet oiseau est totalement jaune/blanc et aura sa couleur de corps jaune « lutino » via une combinaison de cinamon et bronze fallow. Donc exactement comme chez le kakariki jaune à front rouge.

A côté de cela, il est marquant que la joue jaune se retrouve très souvent en combinaison avec le cinnamon. Ma supposition est que la joue jaune – totalement par hasard – est apparue dans un oiseau cinnamon. L’éleveur allemand très connu, Otto Lutz partage cette opinion dans son dernier livre qui vient de paraitre (Lutz, 2013, p. 132).
Du fait que les deux mutations se trouvent sur le même chromosome, ils héritent donc ensemble à moins qu’il se passe à nouveau un « crossing-over » qui les sépare à nouveau l’un de l’autre (Van den Abeele, 2013)

Crossing-over avec la joue jaune (pour les amateurs de génétique)
La mutation joues jaunes transmet ses gènes de manière liée au sexe récessive, de même que trois autres mutations qui se retrouvent chez les callopsittes en Europe : opaline (perlée), cinnamon et lutino. Elles ne se retrouvent donc uniquement que sur le chromosome du sexe. Pour arriver à obtenir ces couleurs combinées dans un oiseau il faut donc qu’un crossing-over ait lieu. Je vous épargne l’explication génétique à ce sujet mais une fois que ceci a eu lieu vous pouvez simplement continuer à élever la combinaison.

La possibilité d’un crossing-over est fort différente suivant la combinaison des mutations de couleurs que vous voulez obtenir (Van den Abeele, 2013). Les chances avec la joue jaune n’étaient pas encore connues, donc depuis 2011 je travaille cela pour l’obtenir par des accouplements spécifiques avec cinnamon et joues jaunes

Le résultat provisoire est une chance de crossing-over entre cinnamon et joues jaunes de près des 9%. De ceci, nous pouvons rédiger une théorie des pourcentages de crossing-over avec les joues jaunes et d’autres mutations de couleur liées au sexe. Pour un vue d’ensemble complète je vous renvoie au site web du groupe de travail des callopsittes.

Entre temps, avec 173 jeunes je suis presque arrivé à mon but de 200 résultats de reproduction. Bien entendu je ne fais pas cela seul. Un grand merci aux collègues éleveurs et surtout à l’éleveur Français Thierry Duliere, qui ont travaillé à ceci en partageant les résultats de reproduction. Participer est d’ailleurs encore toujours possible ! Merci aussi à Dirk Van den Abeele qui m’a toujours soutenu dans ce travail.

En conclusion
La perruche callopsitte est un oiseau typique pour débutant grâce auquel beaucoup d’amateurs ont acquis des connaissances de notre hobby. La mutation joues jaune demande cependant une attention particulière et aussi un peu de persévérance de la part de l’éleveur. Pour moi personnellement cette mutation a été une passion pendant 10 ans. Peut-être voulez-vous, vous aussi, relever un défi avec les callopsittes à joues jaune ?

Références
Lutz. O. 2013. Standard Nymphensittiche. WeiBköpfe und Gelbwangen. Ein wegweiser zur perfekten Haltung, Zucht und Ausstellung. Otto Lutz Verlag. 225p.
Martin T. & Andersen D. 2007. A guide to cockatiels and their mutations as pet & aviary birds. Revised edition. ABK Publications. 200p.
McGraw K. & M.C. Nogare. 2005. Distribution of unique red feather pigments in parrots. Biological Letters 1: 38-43.
Van den Abeele D. 2013. Agaporniden. Handboek en naslaggids – deel 2. Welzo Media Productions bv. About Pets bv. 560p.
Site web du groupe de travail callopsittes : www.werkgroepvalkparkieten.com
Des éleveurs qui aimeraient entrer en contact avec l’auteur peuvent le faire via : bertvang@hotmail.com

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